La Kasbah d’Agadir Oufella s’habille de blanc.
Sur les hauteurs de l’emblématique colline d’Agadir, les travaux de réhabilitation du site historique d’Agadir Oufella avancent à bon rythme : l’application d’un enduit de chaux fera retrouver à la Kasbah son aspect de blancheur immaculée, telle qu’elle était à la veille du tremblement de terre de 1960.
Soixante années après le tremblement de terre, il a été décidé de donner une nouvelle vie à ce légendaire site de l’histoire du Maroc, dans le respect des protocoles internationaux des interventions patrimoniales post-catastrophes, afin de l’ouvrir à la visite et au recueillement. Pour sa mise en œuvre, ce projet a été confié à l’Architecte Anthropologue Salima Naji, renommée et plusieurs fois primée pour ses restaurations ou requalifications de complexes patrimoniaux et d’édifices anciens.
Rendre à la Kasbah sa silhouette perdue
Pour rendre à la Kasbah sa silhouette perdue, il fallait donc reconstruire les murs tels qu’ils étaient originellement, avec les matériaux locaux et selon les techniques originelles, sur des linéaments vérifiés par les archéologues dans leur état de 1960. Dans la phase première de reconstruction du Mur Est et du Mur Sud, une étude fine de leur bâti a suivi leur décapage complet, en concertation avec les archéologues et l’équipe de la maîtrise d’œuvre.
Rétablir le chemin de ronde et le dessin des merlons
Pour reconstruire ensuite ce mur et lui rétablir son chemin de ronde et le dessin des merlons, la pierre a été réemployée pour assurer la continuité de la construction dans un ensemble structurellement cohérent. Après avoir été disposées selon les techniques de panneresses et de boutisses, les pierres ont été hourdées au mortier de chaux, matériau liant réversible et permettant une solidité adéquate pour ce projet. Après la restauration, les parties anciennes du mur, qui avaient résisté au tremblement de terre, seront volontairement données à voir au public.
Enduire les murailles d’un manteau blanc
Les étapes de restitution de la Kasbah, telle qu’elle était à la veille du tremblement de terre, comprenaient en effet aussi son aspect blanc, comme en témoignent divers éléments chaulés attestés à l’intérieur des murs fouillés ou au pied des fortifications ayant résisté au tremblement de terre (façade Ouest), mais aussi de nombreuses photographies d’archives. Par ailleurs, à proximité du site, en contrebas, ont été découverts d’anciens fours à chaux, ce qui prouve que les sédiments marno-calcaires disponibles avaient, de longue date, servi à la fabrication d’une chaux locale. Les pisés historiques analysés en laboratoire par LPEE font état de ce type de terres à proximité. Ainsi, comme beaucoup de kasbahs exposées à un milieu maritime et à une érosion constante, Agadir Oufella était originellement en grande partie recouverte de chaux blanche avec un pisé stabilisé en partie à la chaux.
Le blanc, couleur du prestige
Utilisés couramment dans la construction depuis l’antiquité, les enduits de chaux extérieurs sont présents sur l’ensemble du territoire régional, notamment sur les parties sommitales des borjs ou des greniers collectifs, sur certains bastions, sur les coupoles des saints et des mosquées… Les citadelles toutes de blanc vêtues se rencontrent plutôt sur les côtes : Dar El Baïda (Casablanca), Azemmour et tous les anciens ports lusitaniens.
La couleur blanche est en effet la couleur du prestige. Dans l’Empire chérifien, les enduits blancs sont une donne connue pour tous les règnes. Ainsi, à Agadir, chaque pouvoir en place aura successivement matérialisé son prestige en enduisant la Kasbah d’un manteau blanc.
Un mur présentant les stigmates de son âge
Pour l’architecte et ses équipes, il s’agissait d’élaborer le bon dosage à partir des gestes appropriés, dans l’idée du respect de l’histoire. Ce processus a nécessité un effort de la part des ouvriers, habitués à préparer des enduits standards moins complexes. À la toute fin fut apposé le dernier « lait de chaux » pour terminer le travail et étanchéifier l’ensemble, tout en conservant des murs perspirants.
Le gobetis, premier enduit de dressage, a donc été fait sans truelle mais au gant, en soulignant la maçonnerie première des lignes de pierre maçonnée, et en laissant bien visibles les enduits qui avaient tenu depuis des dates plus anciennes « pour respecter les stigmates de l’histoire ». La valeur d’ancienneté est ainsi présente sur les parties historiques, laissées en réserve, témoignant de cette matérialité-là issue du passé. Le public pourra donc distinguer, après la restauration, les parties du mur qui ont résisté au tremblement de terre et celles qui ont été reconstruites à l’identique. Deux laits de chaux les différencient, un ton plus soutenu pour le passé, un ton immaculé pour la reconstruction très récente.
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