À Tafraout, Les cérémonies du mariage, globalement dénommées «Tamġhra» s'échelonnent souvent sur 3 jours à commencer du samedi (le premier jour), sans compter les préparatifs qui demandent plusieurs jours, et donnent lieu à des soirées chantantes qui se terminent toujours par la danse d'«Ahwach».
PREMIER JOUR DU MARIAGE
Au domicile de la mariée, les tuteurs des deux futurs époux s'isolent dans un salon réservé aux hôtes «Tamsriyt» pour procéder aux formalités de l'établissement de l'acte de mariage en présence des «Adoules».
Avant la rédaction de l’acte, les représentants des mariés discutent le prix de tous les articles offerts par le père de la mariée à sa fille pour lesquels aucun bon d'achat n'est produit. Les agnats de la jeune fille font tout pour gonfler la valeur de la «Lqimt». Ils essayent d'imposer aux agnats du marié le prix le plus fort pour chaque article. La raison de ce marchandage est le fait que la valeur de la «Lqimt» est un déterminant du statut de la femme au sein du couple.
L'époux est tenu pour responsable de la conservation de la «Lqimt» ; et l’acte dressé par les «Adoules» garantit à l'épouse la récupération de l'intégralité de sa valeur en cas de répudiation.
Une «Lqimt» élevée est pour l’homme une arme à double tranchant. D'une part, les biens vendables ou exploitables sont une bénédiction, car ils lui permettent d'élargir son patrimoine. D'autre part, la «Lqimt» dépensée est un couteau planté dans sa gorge. S'il ne peut la restituer dans son intégralité, il ne peut répudier sa femme, même si cette dernière a tous les torts. Aussi, pour lui éviter de tomber en quenouille, ses agnats essayent de réduire la valeur totale de la «Lqimt» en chipotant sur le prix de chaque article, du plus important au plus insignifiant. Pour la femme, une «Lqimt» élevée est une assurance contre la répudiation. Elle lui garantit un équilibre des forces au sein du couple.
Après l’évaluation de «Lqimt», on rédige l'acte «Asdak n-nnikah», puis le «Fkih» récite Une une «Fatiha» écoutée avec gravité. Le mariage par ce fait est officiellement consacré. De son côté, le fiancé portera dorénavant le nom d' «Asli» et il le conservera durant toutes les festivités qui succéderont. Il lui est conseillé de ne pas trop apparaître afin d'éviter le mauvais œil, les conseils nécessaires lui sont prodigués par sa mère «Masse ousseli» ou sa grande sœur.
Passant aux préparatifs d' «Oukrisse» les cadeaux destinés à sa promise par «Timzaoura» (trois femmes mariées, et que ça soit leurs premiers mariages). Selon les coutumes, on étale l'habit traditionnel blanc «Ahayk ou Afagou» au sol que « Timzaoura » remplissent en versant chacune trois poignées de henné, une bague, un kaftan, «Idoukane» une paire de babouche, «lhzam» une ceinture, «Aslham» une cape, «Lktib» un foulard, des amendes, des bonbons, des dattes, des pains de sucre, et une paire de babouche pour chaque membre de la famille de la mariée «Taslite». Le tout enroulé dans une cape «Aslham» que la mariée doit porter durant le voyage pour rejoindre le domicile marital.
À L'AUBE DU DEUXIÈME JOUR
Ce jour est considéré comme le jour faste, la mariée doit quitter définitivement la maison maternelle pour rejoindre la demeure maritale. La coutume veut que la mère n'accompagne pas sa fille le jour de son départ. Le village résonne de chants sous un cil de Lune, la mariée est portée sur le dos d'un mulet maintenue par l'un de ses proches de préférence son frère, son cousin ou son oncle; elle est acheminée vers la demeure de son conjoint accompagnée par un cortège «Tanguifte» de femmes et hommes «Imengfne et Temengfine» ainsi que les enfants, tout le douar assiste à la fête.
Le cortège «Tanguifte» avance en chœur dans la même direction sous un concert de chants rythmés, et comme il a été souligné, la mariée doit selon la tradition pleurnicher en signe de tristesse en quittant les siens. À l'arrivée au domicile du mari dont la porte est close, les «Timneguefine» accompagnant la mariée ainsi que celles qui représentent le mari s'adonnent à un échange parfois virulent des chants rythmés de «Tandamte» dont le contenu est sagement appris par cœur et transmis de mère en fille selon des règles séculaires inaltérables. À l'issue de ce concert sacré, La famille du mari effectue le jet à volonté de dattes, des amandes, sur «imenguefen» de la mariée.
Les femmes débarrassent la mariée de ses vêtements du voyage ainsi que son foulard de jeune fille, puis on tresse ses cheveux et on dissimule ses franges «Tawnza» sous un foulard de couleur rouge, qui est le signe ostentatoire d'une femme mariée. Puis on la revêt de ses nouveaux habits et on voile son visage avec le «Ktib», qu'elle gardera jusqu' à ce que son mari l'ôte pour la dévoiler.
Par la suite, les invités seront servis à volonté, le repas est généralement constitué à l'entrée par une variété de plats constitués d'huile d'argan, du miel de préférence naturel, le beurre berbère «oudi» ainsi qu' «Amlou» fait à base d'huile d'argan et des amandes grillées et broyées dans un moule traditionnel «Azergue». Peu après cette entrée, on sert le tagine berbère préparé à base de légumes fraîches, de viande de mouton ou de veau, d'huile d'olives et bien pimenté avec divers épices donnant un goût exceptionnel parfois piquant mais délicieux. Après le déjeuner, une série de rites traditionnels est entamée. Aussi, on assiste à la pulvérisation des parfums et de basilic «Lehbakt» à volonté sur les invités. La même ambiance règne du côté des femmes qui savourent elles aussi à leur manière la joie de la fête, séparément des hommes.
AU TROISIÈME JOUR
Les gens se mettent à pied d'œuvre en préparation du voyage vers la famille de la mariée. Le cortège est composé d'hommes et de femmes à leur tête le mari et sa femme, l'objectif est d'aller remercier les parents de la mariée en signe de satisfaction. Cette foule s'appelle "Inerzaf" c'est l'équivalent d' «Imneguefne». À l'arrivée chez la famille de la mariée, la foule d' «Inerzaf» est accueillie par les youyous des femmes. Ils sont invités à entrer à la maison en les arrosant des parfums et sont orientés vers un salon meublé de tapis. «Inerzafs» sont invités à manger, puis à la cérémonie du thé qui est encore une fois servi selon les mêmes traditions.
En faisant la lumière sur la persistance de l'antique formule du mariage chez les Tafraoutis, nous avons essayé de rendre hommage à nos traditions et notre amazighité avec cette description témoignant d'une des facettes de la richesse de son patrimoine.
Cette culture que nous évoquons avec nostalgie puisqu'elle a tendance à se rénover de génération en génération, se trouvant à cheval entre la tradition et la modernité. Cette métamorphose bien que progressive, nous fait poser la question de la nature de l'héritage culturel que nous laisserons à nos enfants, puisque c'est la culture qui forge l'identité.
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